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que nous avons peur, montrons-leur que nous sommes toujours les soldats des guerres de Flandre ! voulez-vous me suivre ?

— Oui, s’écrièrent les soldats d’une seule voix : vive le duc de la Torre !

— Non, mes amis, vive le Roi !

— Vive le Roi ! s’écrièrent les assistants dont l’enthousiasme était au comble.

Si grâce à l’ineptie du comte de la Sorga-Caballos, les flibustiers n’avaient pas été déjà maîtres des positions les plus importantes de la ville, ces braves troupes espagnoles auraient probablement réussi à changer leur victoire en défaite ; mais du moins l’intervention héroïque du duc de la Torre pouvait enlever à cette défaite le cachet déshonorant dont elle était souillée ; le duc ne voulait pas autre chose, il savait le succès désormais impossible.

Ainsi que cela arrive toujours dans les villes mises à sac, les habitants en se chargeant de leurs objets les plus précieux, s’étaient pour la plupart instinctivement dirigés vers l’hôtel du gouverneur, comme vers un endroit sacré, un lieu de refuge.

Le duc de la Torre fit distribuer des armes à ceux des habitants qui témoignèrent le désir de se défendre ; puis après avoir fait installer les femmes, les enfants les vieillards dans la cour de l’hôtel du gouverneur sous la protection d’un fort détachement de soldats, commandé par un officier résolu, il forma sa troupe en colonne serrée ; et emmenant avec lui deux pièces de canons attelées, il se mit à la tête de cette armée improvisée, et se dirigea bravement vers la place de la Merced, où il prit fièrement position, en formant ses troupes en carré.

Ces troupes s’élevaient à environ quinze cents hommes dont douze cents étaient de vieux soldats aguerris sur lesquels on pouvait compter ; les trois ou quatre cents autres, étaient des habitants, jeunes gens pour la plupart, pleins d’ardeur et de bonne volonté ; mais ignorant complétement le maniement des armes,