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que, sembla subitement transfiguré. En moins de cinq minutes, il eut donné ses ordres à ses gens, eut revêtu son habit de gala, passé à son cou le collier de la toison d’or ; puis sans rien dire, ni à la duchesse, ni à sa fille, de ce qu’il se proposait de faire, sans même les voir, il laissa deux serviteurs de confiance à la garde de son palais, monta à cheval, et suivi de toute sa maison, au nombre d’une quarantaine de personnes, parmi lesquelles plusieurs gentilshommes de renom, il s’élança au galop vers l’hôtel du gouverneur.

Le comte de la Sorga-Caballos était peut-être un adroit politique, un fin diplomate, mais ce n’était certainement ni un homme d’action, ni un homme intelligent ; surpris à l’improviste par l’invasion des flibustiers ; entouré de toutes les troupes de la garnison venues spontanément se placer sous ses ordres, il hésitait, balbutiait, ne savait où donner de la tête, répondre aux questions qu’on lui adressait, ni même trouver son épée. Les soldats et les officiers, braves gens dont la plupart avaient fait avec honneur les guerres de Flandre, échangeaient des regards désolés et se désespéraient de ce manque d’initiative, de la part de l’homme dont le devoir était de leur donner l’exemple.

Soudain de grands cris retentirent.

La cohue de gens de toutes sortes dont les avenues de l’hôtel étaient encombrées, fut brutalement refoulée à droite et à gauche, et une quarantaine de cavaliers pénétrèrent au galop dans la cour, ayant à leur tête le duc de la Torre, le front haut, le regard étincelant et brandissant son épée d’une main ferme.

— Officiers, soldats, peuple ! cria-t-il d’une voix tonnante, je suis le duc de la Torre, le vice-roi du Pérou ! l’homme que l’on a essayé mais vainement de déshonorer ; l’heure est venue de prouver à tous mon amour pour mon Roi et pour ma patrie. Les flibustiers attaquent la ville, je viens me mettre à votre tête, marchons contre les Ladrones ! ils triomphent parce qu’ils croient