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— Pardieu ! je le sais bien ; allons, le jour ne va pas tarder à paraître ; mets-toi à la tête de tes hommes et en route ; tu as plus de chemin que moi à faire.

— Je lui servirai de guide ; dit Pitrians.

— C’est cela ; de cette façon, il ne risquera pas de se perdre ; allons, bon voyage et n’oubliez pas, frères, que le rendez-vous général est au palais du gouverneur.

— Avant une heure, nous y serons.

— Je l’espère bien ainsi.

Les trois hommes se serrèrent la main ; puis le beau Laurent et Pitrians s’éloignèrent avec leur détachement et ne tardèrent pas à disparaître dans les ténèbres.

Dix minutes plus tard, Vent-en-Panne et les flibustiers émergeaient à leur tour du bois et glissaient dans la direction de la ville ; ils marchaient en file indienne, à droite et à gauche, sur les bas côtés du chemin, qu’ils laissaient avec intention complétement libre ; ce chemin était ombragé par d’énormes sabliers, et de plus bordé par une haie d’aloës, derrière laquelle les flibustiers, marchaient courbés et se dissimulaient ainsi complétement ; ce qu’il y avait de plus singulier c’est que les paysans des villages voisins, venant vendre leurs fruits et leurs légumes à la ville, affluaient sur la route ; les uns à pied, les autres sur des ânes, beaucoup conduisant une mule ou deux, quelques-uns mêmes venaient avec des charrettes primitives, dont l’attelage se composait de bœufs.

Ces braves gens, dont le nombre allait toujours croissant, causaient paisiblement de leurs affaires sans se douter le moins du monde qu’ils marchaient entre deux rangs de flibustiers ; ce qui leur aurait causé, s’ils l’avaient su, une terreur mortelle.

Vent-en-Panne, lui, savait très-bien à quoi s’en tenir ; il riait dans sa barbe, de ce rire moitié figue, moitié raisin dont il avait l’habitude et qui en s’épanouissant sur sa large face, était comme un rayon de soleil avant l’orage.

— Allez, mes petits agneaux, marmottait à voix basse le flibustier, en se frottant les mains, je vous aurais