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l’Olonnais d’en prendre une autre en face de lui, et il entama la conversation.

— Señor, dit-il, tout en tournant délicatement une cigarette entre ses doigts ; je suis réellement désespéré du malentendu dont vous avez été victime ; mes ordres ont été mal compris et surtout mal exécutés ; aussitôt que j’ai appris ce qui s’était passé, je me suis empressé de venir près de vous, afin de vous donner une explication loyale ; malheureusement, je n’ai été informé de votre arrestation, que depuis une demi-heure à peine. Le Juez de Letras, chez lequel vous avez été appelé hier, m’a donné sur vous les meilleurs renseignements ; j’ai vu de plus, un certain don Pedro Garcias, un des plus honorables habitants de Medellin, qui vous connaît depuis longtemps, dit-il, et professe pour vous l’estime la plus grande ; tout cela aurait suffi pour vous faire mettre immédiatement en liberté, mais j’ai voulu venir moi-même, afin de vous prouver que lorsque, malgré moi, il a été commis une erreur judiciaire, je n’hésite pas à la réparer.

— Señor gouverneur, répondit l’Olonnais en s’inclinant, je suis confus de l’honneur que vous daignez me faire ; je ne sais comment vous exprimer ma reconnaissance ; je serai heureux, le jour où il me sera possible de vous remercier, d’une manière efficace, de votre généreuse conduite, dans une circonstance si grave et surtout si désagréable pour moi.

— Eh bien ! voilà qui est dit ; reprit vivement le gouverneur, qu’il ne soit plus question de rien entre nous.

En parlant ainsi, il tendit à l’Olonnais, une main que celui-ci serra un peu à contre-cœur.

En ce moment, le guichetier rentra, rapportant au prisonnier, l’argent, les bijoux et les papiers qu’on lui avait enlevés.

— Tout y est-il ? demanda le gouverneur.

— Oui, seigneurie, reprit l’Olonnais.

— À la bonne heure !