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toutefois de refermer soigneusement la porte derrière lui.

Après avoir traversé un zaguan obscur et une cour boueuse, il s’arrêta devant une seconde porte simplement poussée ; tout l’ameublement ne se composait que d’un équipal, d’une table boueuse, encombrée de potions de toutes couleurs et d’un châlit recouvert d’une peau de taureau, sur lequel était étendu un homme enveloppé tant bien que mal d’une couverture trouée, et dont la tête, en guise d’oreiller, reposait sur une botte de paille.

— Ah ! te voilà, dit le malade, d’un ton de mauvaise humeur en apercevant le Chat-Tigre ; Goddam ! je croyais que tu m’avais abandonné, et que tu voulais me laisser crever ici comme un chien !

Le Chat-Tigre haussa les épaules sans répondre et s’assit sur le tabouret.

— Voilà deux jours que je ne t’ai vu ; continua le malade d’un ton de reproche.

— J’ai eu des affaires ; dit froidement le Chat-Tigre.

— Des affaires ? oui, fit l’autre avec amertume ; tu as toujours des affaires quand il s’agit de moi ; est-ce donc là ce dont nous étions convenus ?

— Ah ça ! fit le Chat-Tigre d’un ton irrité, est-ce que tu vas continuer longtemps sur ce ton ? sais-tu que tu commences à m’échauffer les oreilles ! à qui contes-tu tes doléances ? à moi ? c’est bien plutôt à toi-même que tu devrais les adresser. Sacrebleu ! tu es cause de tous les embarras que nous avons eus ; si nous échouons, à qui en sera la faute ? à toi ? tu vas te faire clouer la main sur une table pour voler quelques onces ; allons donc ? puis à la première atteinte de la douleur, tu cries comme un possédé et tu te dénonces toi-même ; ma foi tant pis ! il faut que je te le dise une fois pour toutes ; j’avais jusqu’alors supposé que Bothwell était un brigand, mais non un voleur vulgaire et un imbécile à cœur de poule.

— Sais-tu que tu commences à m’impatienter aussi ?