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rez ; un motif puissant a dirigé ma conduite dans toute cette affaire, ce motif, vous le connaîtrez bientôt, monseigneur. Je sais en quelles mains sont ces lettres, je puis m’en emparer et vous les rendre, je puis faire plus ; je puis vous donner le moyen de vous venger de vos ennemis en vous remettant les preuves ; preuves bien réelles, celles-là, des machinations qu’ils ont ourdies contre vous.

— Vous feriez cela ? s’écria le duc en tressaillant.

— Oui, monseigneur, je le ferais, mais à une condition.

— C’est juste ; voyons cette condition ?

— Ainsi, monseigneur, vous acceptez le marché que je vous propose ? dit le capitaine, dont un éclair joyeux illumina un instant le sombre visage.

— Je ne vous promets rien encore, señor ; je veux savoir avant tout à quoi je m’engage.

— Soit ; j’irai donc jusqu’au bout ; seulement, monseigneur, veuillez, à l’avance, me pardonner le récit que je vais vous faire ; certaines particularités de ce récit vous touchent de très-près.

— Señor, rien de ce que vous direz ne saurait m’émouvoir, tant que vos paroles ne s’adresseront qu’à moi… à moi seul.

— Et si j’étais contraint, malgré moi, de vous parler d’une personne qui vous est chère, de madame la duchesse de la Torre par exemple ?

— S’il en était ainsi, señor, répondit sévèrement le duc, au premier mot je vous arrêterais en vous défendant de continuer ; madame de la Torre est une femme dont le nom ne saurait être prononcé par une autre bouche que la mienne ; je ne permets à personne, vous entendez, señor, à personne, de me parler de madame de la Torre soit en bien, soit en mal ; en mal surtout, madame de la Torre est une de ces femmes si rares, dont on ne peut dire que du bien. Ainsi donc, señor, je crois que dans l’intérêt des relations que peut-être nous aurons dans l’avenir, il vaut mieux que nous brisions