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Presque aussitôt les buissons s’écartèrent violemment et un homme couvert de poussière et dont le visage ruisselait de sueur apparut dans le carrefour.

Les jeunes gens avaient posé la main sur leurs armes ; ils firent un geste de surprise en reconnaissant dans cet homme l’alguazil qui le matin même les avait conduits chez le Juez de Letras.

— Señores ! s’écria-t-il d’une voix haletante, sans attendre d’être interpellé, vos démarches ont été espionnées, vos pas suivis, on sait où vous vous êtes arrêtés.

— C’est impossible ! s’écria l’Olonnais.

— Vous voyez bien que non, repartit l’alguazil en haussant les épaules, puisque me voilà ! Ne m’interrompez pas, le temps presse ; on se doute que vous voulez intercepter le courrier de Mexico ; une dizaine d’hommes se sont lancés à votre poursuite ; ces dix hommes sont commandés par el Gato-Montès, votre ennemi personnel ; avant un quart d’heure, ils seront ici ; maintenant c’est à vous à voir ce que vous voulez faire ?

— Qui vous a poussé, dit l’Olonnais, à agir comme vous le faites et à nous donner ces renseignements ?

— J’ai voulu vous prouver que je ne suis pas un ingrat ; ce matin vous m’avez donné une once, ce soir je vous sauve la vie, nous sommes quittes.

— Non pas ! dit vivement l’Olonnais, et la preuve la voici ; prenez ces vingt-cinq onces et persévérez dans votre honnêteté, cela vous portera bonheur.

— Mais qui donc êtes-vous ? s’écria-t-il avec stupéfaction, pour que l’or ruisselle ainsi entre vos doigts ? de grands seigneurs déguisés, sans doute ?

— Peu importe ce que nous sommes, vous nous avez rendu un service que nous n’oublierons pas ; partez, hâtez-vous, si l’on vous trouvait ici vous seriez perdu.

— C’est vrai, señores ; s’écria l’alguazil, adieu ! que Dieu vous protège !

Sans plus de cérémonies il s’éloigna en courant et bientôt il disparut dans les halliers.