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Cette fois encore, l’Olonnais eut l’occasion de se signaler et de faire preuve de ce dévouement sans bornes à ses semblables, qui était le côté saillant de son caractère. Sans son courage, son adresse et surtout la connaissance approfondie qu’il possédait de son métier de marin, plusieurs navires et entre autres le vaisseau Le Robuste, auraient été jetés à la côte, et brisés sur les rochers.

Aux premiers éclats de la foudre, aux premiers déchirements de l’ouragan, le jeune homme s’élança au dehors. Par son exemple il électrisa la population, suivi par Montbarts, Pitrians, le Crocodile, Montauban et les plus célèbres flibustiers, qui comme lui, armèrent des pirogues, les montèrent bravement ; il se rendit à bord des bâtiments en perdition, et réussit à les sauver.

Le Robuste, mouillé sur une seule ancre, avait eu son câble rompu ; une seconde ancre jetée trop précipitamment n’avait pas accroché le fond, qu’elle draguait et ne pouvait arrêter la dérive du navire. Presque tous les officiers étaient à terre, l’équipage perdait la tête. Pendant que Montbarts faisait dépasser les mâts de perroquet, caler les mâts de hune et mettre les basses vergues sur les porte-lofs, pour alléger le navire, en donnant moins de prise à la tempête ; l’Olonnais et le capitaine Montauban, montés chacun sur une pirogue qui faisait eau de toutes parts, ballottés comme des bouchons de liège, par les lames furieuses, qui parfois passaient par-dessus leurs embarcations, allèrent, au péril de leur vie, mouiller des ancres à jet au large.

L’équipage du Robuste suivait anxieusement du regard cette audacieuse manœuvre, qui réussit providentiellement ; on aurait dit que la mort reculait devant ces téméraires frères de la Côte.

Au moment où l’on raidit les câbles au cabestan, il n’y avait plus un instant à perdre ; le Robuste n’était plus qu’à une portée de pistolet des rochers.

La tempête se prolongea pendant toute la journée, et toute la nuit suivante ; l’ardeur des flibustiers ne se ralentit pas une minute ; mais le lendemain, lorsque l’ou-