Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Espagnols dormaient à poings fermés ; s’en rapportant à la Providence, du soin de veiller sur leur navire.

— Eh ! dit David en ricanant, je crois que voilà mon affaire ; qu’en penses-tu, Vent-en-Panne ?

— Dame ! matelot ; je pense que tu pourrais bien avoir raison.

— Alors nous l’abordons ?

— Pardieu !

Les boucaniers firent leur prière, ainsi qu’ils en avaient l’habitude chaque fois qu’ils se préparaient au combat ; puis ils saisirent leurs armes, et se tinrent immobiles et silencieux, les regards fixés sur leur chef, prêts à lui obéir.

Ainsi qu’il le faisait dans toutes les circonstances sérieuses, Vent-en-Panne avait pris la barre ; le léger navire disparaissait presque sous la masse énorme du vaisseau espagnol ; il volait comme une plume sur le sommet des vagues ; bientôt il élongea le navire, au vent.

Vent-en-Panne leva son chapeau.

À ce signal bien connu des boucaniers, les grappins furent lancés et les deux navires solidement amarrés l’un à l’autre.

Vent-en-Panne confia alors la barre à un mousse, saisit une hache, et se plaçant auprès de David qui, lui aussi s’était armé d’une énorme hache, il dit à voix basse aux frères de la Côte :

— Attention, matelots ! nous sommes quatre-vingts ; si je ne me trompe, nous avons affaire à près de cinq cents individus, il faut enlever ce navire en double ; y êtes-vous ?

— Oui ! répondirent les flibustiers.

— Et bien, à l’abordage !

La moitié de l’équipage flibustier bondit comme une meute de tigres sur le pont, ayant Vent-en-Panne à sa tête ; l’autre moitié brisa les sabords d’arcasse et sauta dans les cabines ; pendant dix minutes, il y eut un bruit horrible, de cris de rage, de gémissements, de coups re-