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— Vous le connaissez ?

— Peut-être ; mais… continuez… continuez.

— Vent-en-Panne est un homme dans toute l’acception du mot ; sévère, mais bon et juste pour ses engagés ; il fit de moi un marin ; mon temps terminé, je fus reçu frère de la Côte ; alors je commençai à courir les mers à la recherche des Espagnols. Bientôt je fus en mesure d’équiper un navire, et j’espère, qu’à l’île de la Tortue, on se souvient encore du capitaine David.

— Eh quoi ? vous êtes le célèbre capitaine David ! celui qui s’est emparé de Porto-Bello et de Carthagène ?

— C’est moi, oui, señor ; répondit l’autre avec simplicité.

— Mais comment se fait-il ?

— Patience, señor.

— C’est juste ; dit gaîment le jeune homme ; buvons un coup et allumons un second cigare.

Les deux choses furent faites immédiatement.

— Il y a sept mois, reprit David, j’équipai une pirogue, sur laquelle je montai avec une dizaine de hardis compagnons, et j’allai m’embusquer dans les débouquements pour m’emparer au passage de l’un de ces galions espagnols qui retournent en Europe bondés d’or ; malheureusement quinze jours s’écoulèrent, sans qu’une seule voile parût à l’horizon. Nos vivres s’épuisèrent ; nous fûmes contraints d’abandonner la caye sur laquelle nous nous étions embarqués ? jusque-là, le temps avait été beau ; il se mit à l’orage ; un grain blanc nous assaillit ; notre embarcation chavira, et après avoir pendant plusieurs heures nagé à l’aventure ; à bout de forces et de courage, j’allais me laisser couler, quand je fus recueilli par le canot d’un navire Espagnol, se rendant à la Vera-Cruz. Par un hasard qui ne se rencontre pas deux fois dans la vie d’un flibustier, le capitaine de ce bâtiment eut pitié de moi ; au lieu de me faire pendre, comme je m’y attendais, il me donna comme esclave à un de ses passagers, riche haciendero des envi-