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— Pardieu ! il ne tiendra pas à moi que vous ne fumiez encore ! tenez, compagnon, acceptez ce cigare, je vous le garantis pour un véritable puro de la costa de abajo ; ainsi n’ayez crainte.

L’inconnu s’empara du cigare par un mouvement fébrile et l’alluma.

Quelques minutes s’écoulèrent pendant lesquelles les deux hommes savourèrent avec délices les senteurs enivrantes qui s’exhalaient de leurs cigares.

— Ah ça, camarade, reprit Pitrians, voilà déjà plus de deux heures que nous sommes ensemble, je me suis, je crois, montré assez bon compagnon ; vous n’avez pas à vous plaindre de moi ?

— Je vous dois la vie ; dit l’autre, mon seul désir est de pouvoir un jour vous payer ma dette.

— Ne parlons pas de cela ; ce que j’ai fait pour vous, peut-être un jour, un autre le fera-t-il pour moi ; partant quittes ; le monde est ainsi organisé qu’un service rendu ne saurait jamais être en résumé de compte qu’un devoir accompli ; je vous ai rendu service, dites-vous ? eh bien, c’est fait, n’en parlons plus ; maintenant vous pouvez m’en rendre un, vous ?

— Moi ? s’écria l’inconnu ; parlez que faut-il faire pour cela ?

— Une chose bien simple, en admettant toutefois que cela ne soit pas une indiscrétion de ma part et ne vous nuise en aucune façon ; me raconter comment il se fait que vous, qui me paraissez être un homme jeune, vigoureux, énergique, vous en soyez réduit à cet état de misère, je dirais presque d’avachissement ; cela doit cacher, j’en suis sûr, un drame que je ne serais pas fâché de connaître, en supposant toujours que de sérieux motifs ne vous empêchent pas de parler ; il est une heure de l’après-midi, rien ne me presse ; je suis maître de mon temps, libre comme l’air, si vous me jugez digne de cette confidence, parlez, je vous écouterai avec le plus grand intérêt ; et qui sait ? peut-être même, pourrai-je vous être utile ?