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provisions nécessaires ; rien ne lui manquait, pas même la bota de refino de cataluña ; il cueillit son dessert aux arbres, sous forme de bananes, de chyrimoyas, de limons, etc. ; puis il disposa symétriquement son déjeuner sur l’herbe, s’assit sur son zarape proprement plié, et retirant son couteau de la botte vaquera il se prépara à livrer une vigoureuse attaque aux vivres appétissants étalés devant lui ; il était temps du reste qu’il déjeunât, le soleil marquait près de midi.

Au moment où Pitrians enfonçait le couteau dans une succulente longe de veau cuite de la veille, il entendit un certain bruit dans les broussailles, elles s’écartèrent brusquement et un homme parut.

Cet individu était à peine couvert de quelques guenilles sordides, dont il était aussi impossible de reconnaître la forme que la couleur primitive ; il était maigre, hâve, sa barbe était longue, ses cheveux en désordre tombaient presque sur ses épaules ; ses yeux profondément enfoncés sous l’orbite brillaient d’un feu sombre et lançaient autour de lui des regards égarés ; il s’appuyait sur un bâton noueux et semblait ne marcher qu’avec difficulté.

Pitrians releva la tête et examina ce singulier visiteur.

Ave Maria purissima ! dit le flibustier.

Sin peccado concebida ! reprit l’autre d’une voix rauque.

— Eh l’ami ! que diable faites-vous par ici ? dit le jeune homme.

— J’ai faim ! répondit l’inconnu en fixant un regard ardent sur les vivres étalés sur l’herbe à quelques pas de lui.

— Vous avez faim, compagnon ? reprit gaiement Pitrians, eh bien ! puisque vous avez faim, rien n’est plus facile que de vous rassasier ; jetez votre bâton de côté, placez-vous là en face de moi et mangez sans crainte.

L’inconnu sembla hésiter.