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mise en moi, elle ne sera pas trompée ; dussé-je y laisser ma tête, je vous sauverai !

— Mon Dieu ! je savais que vous me répondriez ainsi, voilà pourquoi je suis venue à vous avec une confiance et une foi entières ; vous m’aimez, je le sais, vous me l’avez dit ; cet aveu m’a trouvée sans colère ; hélas ! j’éprouve pour vous, moi aussi, au fond de mon cœur un sentiment que je ne veux, ni ne puis répudier, sentiment inexplicable et qui me pousse à mettre en vous ma confiance.

— Oh ! mademoiselle, ces paroles décuplent mes forces, elles me feront accomplir des miracles.

— Hélas ! reprit la jeune fille, je n’ose espérer que même aidée de votre dévouement, dont je connais toute l’étendue, je réussisse à échapper aux malheurs dont je suis menacée ; il me reste un aveu à vous faire, aveu terrible, que peut-être je devrais laisser enfoui dans mon cœur ; je vous l’ai dit et cela est vrai, il n’est plus de bonheur pour moi en ce monde.

— Eh quoi ! mademoiselle, jeune, riche, vous désespérez de l’avenir ?

— L’avenir n’existe plus pour moi, mon sort est fixé, je vous parle du fond de l’âme, avec la franchise d’une sœur…

— Mademoiselle !

— Écoutez-moi, reprit-elle d’une voix tremblante ; vous vous souvenez de ce jour où M. d’Ogeron voulut nous faire visiter les boucans des frères de la Côte ?

— Oui, mademoiselle, je m’en souviens.

— Vous vous souvenez comment notre petite troupe fut à l’improviste attaquée par les Espagnols, vous vous rappelez la lutte terrible que vous eûtes à soutenir contre les bandits qui nous assaillaient de toutes parts.

— Je me le rappelle, oui, mademoiselle.

— Tous nos amis tombaient l’un après l’autre autour de nous, la mort nous enveloppait, nous nous sentions perdus. Alors une terreur folle, semblable à celle que