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— Comment se fait-il que tu m’aies retrouvé, Fleur-de-Mai ? Je ne me souviens pas de t’avoir aperçue parmi nos compagnons ?

— C’est vrai, dit-elle avec un pâle sourire, je ne suis qu’une pauvre jeune fille, moi ; je crains le contact des frères de la Côte, quoique cependant, ils soient bons pour moi, et me traitent comme leur enfant ; mais mon cœur m’avait dit que peut-être tu aurais besoin de moi ; voilà pourquoi je me suis mise à leur suite ; lorsque le combat a été terminé, et que l’on n’a plus retrouvé la jeune demoiselle, j’ai compris d’où provenait ton absence.

— Oui, murmura doña Violenta, c’est à lui que cette fois encore je dois mon salut.

— C’est vrai, pour vous sauver, il s’est exposé à mourir ! et elle murmura comme si elle se fût parlé à elle-même : « Oh ! je le sens à mon cœur, ce doit être cela qu’on appelle de l’amour ! »

À ces paroles si brusquement prononcées sans intention apparente, les deux jeunes gens tressaillirent ; une vive rougeur empourpra leurs visages, et ils détournèrent la tête.

— Pourquoi cette émotion ? Pourquoi cette honte ? ce sentiment n’est-il pas naturel ? ne vient-il pas du cœur ? reprit Fleur-de-Mai d’une voix plaintive. De même que le soleil vivifie les plantes, l’amour est un rayonnement divin que Dieu, dans son ineffable bonté, a mis au cœur de l’homme pour épurer son âme.

— À quoi bon dire ces choses, Fleur-de-Mai ? j’éprouve, pour cette dame, le plus profond respect ; la distance est trop grande entre nous ; nos positions dans la société trop différentes, pour que le sentiment dont vous parlez puisse exister.

La jeune fille sourit doucement, en hochant tristement la tête.

— Vous essayez vainement, dit-elle, de donner le change aux sentiments qui vous agitent : vous vous aimez sans le savoir peut-être ; si vous descendiez en vous-même, vous reconnaîtriez que j’ai dit vrai.