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et placé au bas de l’escalier devant une statue informe de Nuestra Señora de Guadalupe, patronne du Mexique, était censé éclairer à la fois la cour et l’escalier.

L’entrée était torte et d’accès difficile, comme le dit Mathurin Regnier, dans son pittoresque langage, tous autres que des marins eussent hésité à gravir ces degrés chancelants, où l’on risquait fort de se rompre le cou.

Pourtant les trois hommes atteignirent sans encombre le premier étage.

Là, ils s’arrêtèrent devant une porte soigneusement fermée, au-dessus de laquelle s’étalait un nouveau transparent, portant cette burlesque ou plutôt ironique inscription, en lettres de deux pouces : Sociédad fraternal de los amigos de la Sabidaria, c’est-à-dire Société fraternelle des amis de la Sagesse.

Ayant que d’entrer, le Mexicain s’arrêta un instant et dit à voix basse :

— Attention, señores ; surtout, quoi que vous voyez, quoi que vous entendiez, ne vous étonnez de rien.

— Soyez sans inquiétude, répondirent les deux hommes d’une seule voix.

Cependant les membres de la Société fraternelle des amis de la Sagesse menaient grand bruit de l’autre côté de la porte. Les échos d’un effroyable vacarme parvenaient parfaitement à l’extérieur : c’était un tohu-bohu de chants, de cris, de jurons, se heurtant continuellement dans l’air, mêlés aux sons discordants d’une musique criarde qui malgré de consciencieux efforts ne réussissait pas toujours à dominer le tapage.

Don Pedro leva le loquet ; la porte s’ouvrit.

Un spectacle étrange s’offrit alors aux regards des trois hommes.

Ils avaient devant eux une immense salle dont le fond était occupé par une large estrade, sur laquelle une quinzaine de musiciens, ou soi-disant tels, s’escrimaient à qui mieux mieux, en jouant de toutes leurs forces de divers instruments, sans paraître se soucier le moins