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sée, étaient, même à l’époque dont nous parlons, si redoutés de tous les honnêtes gens, que les Celadores, Veladores, Serenos, et autres agents de la sûreté publique, s’en écartaient avec le plus grand soin ; ce n’était qu’à leur corps défendant, que parfois, ils se risquaient à en approcher ; et seulement lorsqu’ils se supposaient assez nombreux pour résister efficacement aux attaques des bandits, qui pullulaient aux alentours de ces bouges sinistres.

Si parfois, pendant la nuit, le bruit d’une rixe parvenait jusqu’aux Celadores postés aux angles des rues, ceux-ci se gardaient bien d’essayer une intervention, toujours mal reçue, et pouvant avoir pour eux des conséquences terribles.

Le lendemain, on ramassait un ou deux cadavres, gisant dans ces canaux fangeux qui foisonnaient alors, ou dans quelques égouts ; et tout était dit.

Parmi ces établissements, les plus redoutables étaient ceux qu’on nommait les Velorios, parce qu’ils se cachaient sous une apparence honnête et affectaient des dehors respectables, qui trompaient nombre d’individus.

L’endroit où don Pedro Garcias conduisait ses deux amis était, ainsi qu’il l’avait dit lui-même, le Velorio le plus renommé de la Vera-Cruz ; c’est-à-dire celui où se réunissait de préférence l’écume de cette population flottante, composée des gens sans aveu de toutes les provinces de la nouvelle Espagne, et de matelots déserteurs des navires arrivés d’Europe, et recrutés un peu au hasard, sur les quais du Ferrol, de Cadix ou de Malaga.

Ce Velorio était nommé le Velorio de las Ventanas et était situé dans le Callejon de l’Ensenada.

Le Callejon de l’Εnsenada était une ruelle borgne, ou plutôt aveugle, s’ouvrant derrière la cathédrale et aboutissant à la rivière.

Cette ruelle, étroite, fangeuse, où le soleil ne pénétrait jamais, était bordée de masures presque en ruines, habitées par la lie de la population.