Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous êtes dans l’erreur, señor, ils sont doués d’une force réellement infernale, et d’un courage effroyable ; chacun d’eux, je ne crains pas de le dire ici, chacun d’eux vaut dix Espagnols.

— Oh ! oh ! vous exagérez, señor don Pedro.

— Non, je dis ce qui est, malheureusement.

— Eh bien, señor, même en admettant cela, ils ne seraient pas encore capables de s’emparer de la ville, d’ailleurs ; d’après le portrait que vous nous avez fait de ces démons, ils sont faciles à reconnaître.

— Ah ! fit l’haciendero, avec un sourire dédaigneux, comme on voit bien que vous ne les connaissez pas ! mais sachez donc que l’esprit du mal, leur protecteur, leur a donné la faculté de prendre toutes les formes, pour mieux tromper les chrétiens, c’est-à-dire les Espagnols ; ils peuvent, si cela leur plaît, affecter les apparences les plus belles, les plus douces, les plus aimables ; ainsi, je ne vous connaîtrais pas, je ne saurais pas aussi positivement qui vous êtes, rien n’empêcherait qu’en vous voyant pour la première fois et ignorant à qui j’ai affaire, je ne vous prisse pour des Ladrones.

— Merci, dit l’Olonnais en riant ; comment c’est à ce point ?

— Vous ne vous en faites pas une idée ! s’écria don Pedro.

— Caraï ! savez-vous que vous m’inquiétez vivement.

— Comment cela ?

— Dame, ce que vous dites en riant, vous dont nous sommes connus, d’autres peuvent le dire sérieusement ; alors voyez dans quelle position difficile nous serions, mon ami et moi.

L’haciendero éclata de rire.

— Eh bien ! rassurez-vous, fit-il ; cela a été dit déjà.

— Comment cela a été dit !

— Oui, mais pas positivement ; on n’a rien affirmé.