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sang et de graisse, qui les rendaient imperméables, et leur donnaient une couleur rougeâtre : deux ou trois avaient les cheveux hérissés, les autres noués avec une peau de serpent ; leur tête était couverte d’un chapeau bas de forme, dont les ailes étaient coupées, excepté par-devant où elles formaient une espèce de visière ; une tente de fine toile, roulée très-mince, était passée de leur épaule droite au flanc gauche ; tous avaient la barbe touffue, longue et tombant sur la poitrine ; ils portaient à leur ceinture de cuir fauve, un étui de peau de crocodile, dans lequel étaient quatre couteaux à lames larges et effilées, et une baïonnette ; au flanc gauche, une hache d’abordage, un sac à balles en peau de taureau et une calebasse remplie de poudre, bouchée avec de la cire ; de plus, chacun d’eux tenait à la main un fusil long de quatre pieds et demi, d’une justesse extraordinaire ; spécialement fabriqué pour les îles, par deux armuriers fameux qui leur avaient donné leur nom : Gélin de Nantes, et Brachie de Dieppe.

Ces hommes étaient des boucaniers ou frères de la Côte ; leur apparition causa une surprise extrême aux officiers et aux matelots du Robuste qui, bien qu’ils en eussent souvent entendu parler, car leur réputation était universelle, n’en avaient jusqu’alors jamais vu. Aussi l’équipage du vaisseau ne se lassait-il pas de les regarder ; examen que les boucaniers subissaient, disons-le à leur louange, avec la plus complète indifférence, ou plutôt, avec le plus profond dédain.

Leur chef formait avec eux un contraste des plus tranchés. C’était un homme d’environ cinquante ans, d’une taille au-dessus de la moyenne, trapu et vigoureusement charpenté ; ses longs cheveux blonds et sa barbe fauve qui encadraient son visage et commençaient à se nuancer de quelques fils argentés, donnaient à sa physionomie énergique et à ses traits accentués, une ressemblance frappante avec un mufle de lion ; bien qu’il parût être doué d’une vigueur peu commune, et que ses gestes fussent brusques et parfois heurtés, ses