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porter un événement qui s’était passé, à peu près dans les mêmes parages trois jours avant l’abandon des deux aventuriers en pleine mer par l’équipage de la pirogue espagnole de San Juan de Dios ; c’est-à-dire dans la nuit du 12 au 13 Juillet 1674.

Cette nuit-là, vers trois heures du matin, un vaisseau de guerre français louvoyait bord sur bord par le travers de l’île de Cuba, à quinze milles de terre environ. La brise était assez forte ; les hommes de quart, que nul travail n’appelait aux bras ou aux écoutes, étaient groupés, çà et là, sur les passavants ; quelques-uns dormaient, d’autres causaient à voix contenue, tout en se promenant de ce pas cadencé, particulier aux marins.

Tout à coup, une voix stridente, partie de la hune de misaine cria :

— Navire !…

Un frémissement électrique sembla soudain agiter les matelots, à cette annonce toujours bien accueillie à bord des bâtiments de guerre.

— Silence ! commanda l’officier de quart dans son porte-voix.

Et jetant vivement son manteau, il monta en toute hâte sur le point le plus élevé du château d’arrière. Chacun s’était tu.

— Ohé ! de la hune ! cria l’officier.

— Oh là ! répondit la vigie.

— Tu vois une voile ?

— Deux, mon lieutenant.

— Dans quelle direction ?

— À tribord sur l’avant à nous ; portant les mêmes amures.

— Très-bien. Sont-ce des bâtiments de guerre ?

— Je ne pourrais pas l’assurer, mon lieutenant, car il m’est difficile de les distinguer à cause de la nuit ; mais je crois qu’oui.

— Paraissent-il gros ?

— Quant à cela, mon lieutenant, au moins autant que nous.