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core ils leur donnèrent tous les objets qu’ils crurent pouvoir leur être utiles.

Le Chat-Tigre et son frère descendirent dans le canot.

Dès qu’ils eurent quitté le bord, les matelots poussèrent de joyeux vivats, en agitant leur chapeaux en l’air ; puis on coupa d’un coup de hache l’aussière qui retenait le canot à la pirogue ; celle-ci s’éloigna à force de rames avec une telle rapidité que, quelques minutes plus tard, elle n’apparaissait plus que comme un point à l’horizon. Bientôt même elle disparut complètement, aux yeux de ceux qu’elle avait si brutalement abandonnés.

Pendant les événements que nous venons de rapporter, et dont le développement n’avait pas laissé que d’exiger un certain laps de temps, le jour s’était fait. La matinée était splendide, la mer s’était de plus en plus calmée ; une brise légère venant du large, promettait une navigation assez facile.

Le canot, dans lequel avaient été descendus les aventuriers, était une bonne embarcation ; neuve, légère, maniable : assez grande pour qu’ils pussent s’y trouver à leur aise.

Elle était surtout facile à manœuvrer, et gréée en tartane ; ce qui leur assurait une marche rapide, en même temps qu’une plus grande facilité pour tenir la mer par un gros temps ; toutes considérations importantes, dans la situation malheureuse où la superstition des matelots avait placé les deux hommes.

Leur premier soin fut de mâter le canot ; de s’orienter, de hisser la voile ; puis lorsqu’elle se fut gonflée, que l’embarcation eut pris son erre et se fut mise en marche, les deux frères s’assirent à l’arrière ; tout en mangeant un morceau de biscuit, ils reprirent la conversation si brusquement interrompue, par l’apparition du cadavre de leur complice, et leur expulsion du San Juan de Dios.

— Dieu me pardonne ! dit le Chat-Tigre, on croirait