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— Parle, mon garçon, dit le capitaine. Qu’avez-vous à me dire ?

— Capitaine, fit le matelot, après ce qui vient de se passer, l’équipage est résolu à retourner à la Havane et à débarquer en masse si vous ne consentez pas à délivrer la pirogue des deux hérétiques qu’elle a embarqués. Tant qu’ils resteront avec nous, nous serons exposés à de grands malheurs. L’apparition terrible de tout à l’heure, est un avertissement du ciel, en même temps qu’une injonction d’avoir à nous débarrasser au plus vite de ces deux hommes. Notre devoir de bons catholiques et de loyaux Espagnols, est d’obéir au plus tôt. Nous vous prions donc, capitaine, de prendre les mesures nécessaires pour cela.

— Vous voyez ? fit le capitaine en se tournant vers les deux passagers.

— Cependant, dit Chanteperdrix, vous ne pouvez pas, capitaine, nous abandonner en pleine mer ; nous sommes à votre bord en vertu d’ordres supérieurs ; la crédulité stupide de votre équipage ne saurait vous autoriser à manquer à vos devoirs.

— Je n’ai pas besoin qu’on me rappelle mes devoirs ; répondit sèchement le capitaine, je les connais mieux que personne. En exigeant votre expulsion, mes matelots ne font pas acte de crédulité stupide, comme il vous plaît de le dire, ils obéissent en chrétiens à un avertissement du ciel. Vous savez, señores, que Dieu n’autorise pas de semblables manifestations sans un motif sérieux, que savent découvrir ceux qui l’adorent dans la simplicité de leurs cœurs. Cessez donc, je vous prie, de tenir un langage qui ne me convaincra pas. Il dénote votre manque de foi et votre mépris pour la religion. Nous ne voulons pas nous rendre complices de vos impiétés.

Les deux hommes haussèrent les épaules en souriant avec dédain.

— Que prétendez-vous faire ? dit enfin le Chat-Tigre. Vous n’avez pas, je suppose, l’intention de nous jeter à