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— Et tu conclus de cela ?

— Tout naturellement que le roi de France n’est pas le souverain de l’île de la Tortue ; que cette île appartient à une compagnie commerciale ; par conséquent, en nous en emparant pour la livrer à l’Espagne ainsi que nous nous y sommes engagés, nous faisons un acte, sans doute hasardeux, mais qui n’entache en rien la fidélité que nous devons au roi de France, en supposant même que nous puissions encore être considérés comme ses sujets.

— Voilà des raisons plus que spécieuses. Mais pourquoi dis-tu : si nous pouvions être encore considérés comme sujets du roi de France ? Il me semble que tant que nous vivons et vivrons, nous sommes et serons sujets du roi de France.

— Voilà ce que je n’admets pas, mon frère ; je ne comprends pas ton observation. Nous sommes morts, tout ce qu’il y a de plus morts ; tu le sais mieux que personne. Nos actes de décès ont été parfaitement inscrits et publiés, et cela si bien, que nos propriétés sont passées à nos héritiers.

— Ceci est une question à débattre. Vengeons-nous d’abord. Quand nous nous serons vengés, si nous y réussissons, il nous sera facile, je n’en doute pas, d’établir notre identité, de prouver que nos actes de décès ont été dressés sur de fausses indications et qu’au lieu d’être morts, nous avons seulement été absents. Or, remarque bien ceci : nous avons le droit d’établir cette absence pendant plusieurs années encore, puisque le guet-apens dont nous avons été les victimes, ne remonte pas au-delà des limites établies par la loi, pour la reconnaissance des droits des absents.

— Es-tu sûr de cela ?

— Parfaitement sûr. Voilà pourquoi il est important, je te le répète, d’agir avec la plus extrême prudence, et d’éviter surtout d’être reconnus pour ce que nous sommes réellement. Les noms de Chat-Tigre et Chanteperdrix sont d’excellents noms de guerre ; qu’ils