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Il passa à plusieurs reprises sa main sur son front, se redressa, et, après quelques secondes :

— Adieu, docteur, dit-il avec des larmes dans la voix, adieu pour toujours !

Le docteur lui ouvrit ses bras ; les deux hommes demeurèrent assez longtemps embrassés, sans échanger une parole.

— Allons, s’écria enfin le comte, pas d’indignes faiblesses ! il le faut ! par où me ferez-vous sortir ?

— Venez, répondit le docteur.

Il guida le comte par des corridors de dégagement, jusqu’à une porte dérobée qu’il ouvrit.

— Adieu, docteur, dit le comte, je vous les recommande, elles n’ont plus que vous maintenant !

— Je serai un père pour votre sœur, je vous le jure, Ludovic ; mais, ajouta-t-il avec hésitation, il y a une pauvre créature dont vous ne m’avez rien dit ; elle n’est pas coupable et pourtant une malédiction terrible pèse sur sa tête.

— Mon vieil ami, dit le comte dont les sourcils se froncèrent, et qui pâlit encore davantage, ce qui semblait impossible, je ne comprends pas, je ne veux pas comprendre à qui vous faites allusion.

— Ludovic !…

— Dès que j’aurai franchi le seuil de cette porte, interrompit-il vivement, je n’existerai plus pour personne au monde : vous êtes mon exécuteur testamentaire, le tuteur de Sancia, votre cœur vous dictera la conduite que vous devez suivre. Adieu ! adieu ! s’écria-t-il d’une voix étouffée.

Et après avoir à plusieurs reprises serré les mains du médecin, il descendit rapidement l’escalier, sans vouloir en entendre davantage.

Le docteur demeura un instant immobile, haletant, désespéré.

— C’est un cœur de lion, murmura-t-il ; pauvre Ludovic ! pourquoi faut-il que la fatalité ait brisé sa grande âme !