— Hélas ! mon ami, croyez bien que si je suis inquiet, c’est pour vous seul.
— S’il en est ainsi, rassurez-vous, je ne cours aucun danger ; le seul ennemi que j’avais à redouter était le prince de Talmont.
— Il est bien puissant, mon ami.
— Il l’était, voulez-vous dire ; quant à présent ce n’est plus qu’un proscrit, un fugitif comme moi. Oh ! je suis bien renseigné ; il a favorisé la fuite du duc de Beaufort ; il tient la campagne avec lui ; vous voyez donc que je suis en sûreté ; vous me permettez de m’assoir, n’est-ce pas ?
— Oh ! que d’excuses, mon cher Ludovic ! s’écria le docteur en se levant respectueusement pour lui avancer un siège ; je suis tellement troublé !
Le comte s’assit en souriant, et après une ou deux minutes de silence :
— Mon cher docteur, reprit-il, ainsi que je vous l’ai dit, je ne veux pas vous importuner longtemps ; mais encore est-il nécessaire que, après avoir fait, tout exprès pour m’entretenir avec vous de choses urgentes, un voyage de plusieurs centaines de lieues, vous me laissiez-vous expliquer, bien en détail, ce que j’attends de votre amitié ?
Le docteur sans répondre agita une sonnette placée près de lui sur son bureau.
Un valet parut.
— Je n’y suis pour personne ; dit le médecin.
Le valet salua, et sortit en refermant la porte.
— Maintenant que vous ne craignez plus d’être interrompu, parlez je vous écoute.
— Je veux, avant tout, dissiper les préventions que vous nourrissez contre moi : le prince de Montlaur a écrit à son père, une lettre qui vous a été communiquée, et dans laquelle, quelques instants avant de mourir il fait ses adieux à sa famille.
— C’est vrai, j’ai lu la lettre ; je vous avoue qu’elle m’a fort affligé.