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récit, que j’étais présent lorsque la phrase a été prononcée ; voici la chose en deux mots, mon cher capitaine : Je m’étais rendu au Palais à cause d’un procès que je soutiens contre un marchand de la rue de la Parcheminerie ; je me trouvais dans la chambre des enquêtes quand le conseiller Bachaumont, qui parlait au milieu d’un groupe, sur l’observation qu’on lui fit, que le peuple était fort mécontent, et que si la cour n’y prenait pas garde, il pourrait y avoir du tapage ; s’avisa de dire que les gens qui font des émeutes ressemblent à ces enfants qui frondent dans les fossés de Paris, et qui se sauvent et se dispersent, aussitôt qu’ils aperçoivent le lieutenant civil, pour se réunir de nouveau dès qu’il est passé.

— Hum ! voilà qui est grave, dit le capitaine ; ce conseiller Bachaumont doit être une créature de son Éminence.

— C’est un enragé cardinaliste ; aussi le mot ne fut pas perdu ; le nom que cherchaient les ennemis du Mazarin était trouvé ; désormais ils étaient frondeurs ; depuis lors, tout est à la Fronde, les chapeaux, les gants, les éventails, et même les pains…

— Diable ! et voilà longtemps que ce mot malencontreux a été prononcé ?

— Dix jours !

— Tant que cela ? alors le Cardinal n’a qu’à bien se tenir !

— N’est-ce pas ?

— Pardieu ! à votre santé maître Parizot !

— À la vôtre, capitaine.

— Merci : maintenant renseignez-moi je vous prie, monsieur Parizot, sur l’événement qui cause en ce moment une si forte émotion dans le populaire, et apprenez-moi surtout pourquoi l’on crie si haut : Vive Beaufort !

— C’est que les deux choses n’en font qu’une, mon cher capitaine.

— Ah ! bah !

— C’est comme cela ; écoutez bien.