— Souhaitez-le, monsieur, dit-il avec un sourire amer.
Et il lui tourna le dos, en haussant dédaigneusement les épaules.
— Est-ce que je me serais trompé sur le caractère de cet homme ? serait-il réellement à redouter ? murmura le capitaine à part lui, tout en allant au-devant du capitaine barbaresque ; allons donc ! je suis fou ! Le diable m’emporte, il m’a presque fait peur avec son damné sang-froid !
Le capitaine musulman était un renégat Candiote, à la figure de fouine, aux traits grimaçants et aux petits yeux gris, brillants comme des escarboucles.
Le marché avait été fait à l’avance avec lui par le comte, marché singulier, par lequel le vendeur payait une grosse somme à l’acheteur. Aussi n’y eut-il aucune contestation, et tout fut bientôt réglé entre les deux parties ; le comte, après avoir de nouveau recommandé la plus active surveillance au renégat, ce qui fit beaucoup rire celui-ci, tant il était certain que son esclave ne s’échapperait pas, donna l’ordre que le jeune homme fût descendu dans le canot ; ce qui fut exécuté immédiatement ; puis il prit congé du capitaine.
Pendant que l’embarcation débordait, le comte suivait d’un regard de triomphe son ennemi, auquel on avait mis de fortes chaînes, en l’attachant à un banc.
— Adieu, monsieur le prince de Montlaur, lui cria-t-il d’une voix stridente.
— Au revoir ! monsieur le comte Ludovic de Manfredi-Labaume, répondit le jeune homme, avec un accent de menace terrible.
— Silence ! cria le capitaine, en appliquant un coup de courbache sur les épaules du nouvel esclave.
— Merci ! dit celui-ci avec un sourire d’une expression étrange.
Ce sourire fit courir un frisson dans les veines du comte ; il pâlit et se rejeta en arrière.
Ce fut tout.