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Une dernière embarcation attendait encore ; le comte y descendit, précédant le marquis de la Roche-Taillée que l’on fut contraint d’affaler dans une chaise, au moyen d’un faux-bras frappé sur l’extrémité d’une des voiles à bourcet du grand mât.

Le marquis, que la gravité de sa blessure rendait inconscient de ce qui se passait, ne s’aperçut pas de son transbordement.

Le comte demeura sur le brick en conférence avec le capitaine de ce bâtiment jusqu’au coucher du soleil, puis il regagna son bord.

Les deux navires orientèrent alors leurs voiles et, tandis que le lougre fuyait au plus près du vent dans la direction du détroit de Gibraltar, le brick hissait les perroquets, larguait ses ris et s’élançait grand largue vers la haute mer.

Deux heures plus tard, on n’apercevait plus du pont du lougre que l’extrémité de sa mâture ; bientôt il disparut tout-à-fait.

Pendant le reste de la traversée qui dura encore dix-huit jours, le comte ne revit pas le prince de Montlaur, auquel il avait définitivement abandonné sa cabine.

Une sentinelle veillait jour et nuit à la porte de cette cabine, afin de prévenir toute tentative du malheureux jeune homme, non pas pour fuir, cela lui était impossible, mais pour se donner la mort, dans un accès de rage ou de désespoir.

Le dix-huitième jour, au lever du-soleil, la vigie signala à l’avant une longue ligne bleuâtre, c’était la terre !

Bientôt cette terre devint visible, avec ses échancrures : Le lougre se trouvait sur la côte d’Afrique, en vue du Cap Blanc.

Le comte ordonna d’orienter au plus près sous petite voilure, et le lougre commença à courir des bordées, à trois lieues environ des côtes.

Une heure à peine s’était écoulée depuis que le léger