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n’osaient absoudre ; ils ne voulaient pas condamner.

Le comte s’empara vivement de la tige de fer.

— Que justice soit faite ! dit-il, et il appliqua vigoureusement cette tige, terminée par une fleur-de-lys, sur l’épaule nue et frémissante de son ennemi.

Un crépitement de chairs brûlées se fit entendre ; le jeune homme poussa un hurlement d’agonie, en se tordant dans ses liens, puis ce fut tout : il retomba inerte sur le plancher ; il avait perdu connaissance.

— Le prince de Montlaur n’existe plus, reprit le comte : il n’y a plus ici qu’un misérable que la justice humaine a flétri, et que la société repousse. Si j’ai outrepassé mes droits en vengeant ainsi mon honneur perdu, je le répète, Dieu me jugera.

Sur un geste du comte, le jeune homme fut roulé dans un caban de marin et chargé sur les épaules d’un vigoureux matelot.

— Nous n’avons plus rien à faire ici, dit le féroce gentilhomme ; la première partie de notre tâche est accomplie ; à la seconde, maintenant : à bord, tous !

Il sortit le premier de la chambre ; ses affidés le suivirent, sans même se donner la peine de fermer les portes derrière eux.

Il était huit heures du matin, le jour était sombre, le froid vif ; le vent s’était calmé ; cependant, la mer était grosse encore, et des lames monstrueuses déferlaient avec fureur contre les rochers ; les habitants des Sables, soit par crainte, soit par tout autre motif, étaient encore renfermés dans leurs demeures. Il n’y avait, sur la plage, que quelques marins désœuvrés en apparence, mais qui, en reconnaissant le comte, se mirent aussitôt à sa suite.

Ludovic de Manfredi-Labaume monta sur le lougre, ainsi que tout son monde, y compris le prince et les autres prisonniers.

L’ordre de l’appareillage fut aussitôt donné. Quelques minutes plus tard, le léger bâtiment tournait son