Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prenait que tout espoir était perdu pour lui ; aussi, résolu à ne pas faire courber sa volonté devant la sienne ; à ne pas transiger honteusement avec son orgueil ; avait-il bravement fait le sacrifice de sa vie ; peu lui importait la façon dont son ennemi lui donnerait la mort.

Enfin le comte s’arrêta ; il sembla faire un violent effort sur lui-même, et, s’adressant d’une voix douce et triste au médecin, qui l’examinait avec une inquiétude secrète :

— Docteur, lui dit-il, je vous remercie sincèrement du dévouement que vous avez témoigné à ma famille dans cette malheureuse affaire. Je vous dois la vie de ma sœur, je ne l’oublierai pas. Votre présence, vous le voyez, n’est plus nécessaire ici : emmenez la pauvre enfant ; je vous la confie, veillez sur elle : vous avez mes instructions ; je suis certain qu’elles seront, par vous, exécutées à la lettre ; merci encore une fois, docteur, merci et adieu !

— Ludovic, dit le médecin avec effort, en jetant à la dérobée un regard sur le prince de Montlaur, toujours immobile et accoudé à la cheminée ; l’injure qui vous a été faite est terrible, mais la haine est mauvaise conseillère ; ne vous laissez pas dominer par elle, soyez clément ; souvenez-vous que nul n’a droit de se faire justice soi-même ?

— Docteur, répondit le comte avec un sourire amer, je vous sais gré de ces bonnes paroles : mais souvenez-vous, vous aussi, que je suis gentilhomme ; le châtiment égalera la faute ; sachez seulement que la vie de cet homme me sera sacrée ; je ne rougirai pas mes mains de son sang ; maintenant, allez, accomplissez votre tâche comme moi j’accomplirai la mienne.

Le docteur hocha douloureusement la tête, mais il n’osa pas insister ; il fit un signe ; les quatre porteurs enlevèrent la litière.

— Adieu ! dit-il.

— Adieu ! répondit froidement le comte ; et il ajouta, au moment où le médecin franchissait le seuil de la