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connu les lois de l’honneur, j’ai oublié les devoirs de l’hospitalité, la reconnaissance que je vous devais, à vous, mon sauveur : j’ai aimé votre sœur, et je me suis fait aimer d’elle. Seul, j’ai été coupable, je reconnais et je déplore, non pas la faute, mais le crime où m’a entraîné une passion que je n’ai eu ni le courage, ni la force de vaincre ; je vous l’ai dit et je vous le répète : je suis prêt à vous donner toutes les satisfactions que vous êtes en droit d’attendre de moi.

— Vous m’avez dit cela, oui, sans doute, monsieur, répondit le comte avec ironie ; mais la seule satisfaction que je vous demande, vous refusez de me la donner ?

— Parce que cela m’est impossible, monsieur ; parce que, bien que vous soyez d’aussi bonne race que moi, que votre fortune soit au moins égale à la mienne, un abîme infranchissable nous sépare ; la haine séculaire de nos deux familles.

— Il est un peu tard, il me semble, pour faire cette réflexion, avouez-le, monsieur ?

Le jeune homme rougit et baissa la tête sans répondre.

— C’est bien ! reprit le comte ; ainsi, vous refusez de donner à ma sœur la seule satisfaction qui lui puisse rendre l’honneur que vous lui avez enlevé ; en un mot, vous ne voulez pas consentir à l’épouser.

— Monsieur !

— Pas d’ambages ni de faux-fuyants, monsieur ; répondez-moi catégoriquement, comme je vous interroge, par oui ou par non ; il faut que tout le monde sache bien ici, par votre propre aveu, qui de vous ou de moi a commis une action indigne, a failli à l’honneur, et, étant gentilhomme, s’est conduit comme un croquant.

— Monsieur, de telles insultes !…

— Je ne vous insulte pas, je constate la vérité ; je veux, que, quelle que soit ma vengeance, on soit contraint de reconnaître que j’ai été juste et que j’avais le droit d’agir comme je vais le faire.