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— Plus rien, qu’à envelopper soigneusement la malade, de crainte que le froid ne la saisisse.

— Faites donc, et remettez votre masque ; il est inutile que les gens qui vont entrer vous connaissent.

Le docteur obéit ; le comte l’observait d’un air pensif.

Lorsque la jeune femme fut enveloppée dans des mantes et des couvertures, il s’approcha, se pencha sur elle, et la baisa sur le front, en essuyant une larme à la dérobée.

— Pauvre Sancia ! murmura-t-il. Cette parole était la seule qu’il trouvait pour exprimer sa douleur ; puis, sans même jeter un regard sur l’enfant, que le médecin lui présentait : La demie ! dit-il d’une voix vibrante.

En effet, en ce moment, la pendule sonna une fois.

Le comte prit un sifflet d’or, pendu à son cou, par une chaîne de même métal et il siffla.

Au même instant, toutes les portes s’ouvrirent à la fois ; une trentaine d’hommes, au moins, pénétrèrent dans la chambre à coucher ; parmi ces hommes, dix étaient armés ; ils semblaient servir de gardes aux vingt autres, dont les bras étaient liés au coude par derrière, mais d’une façon assez lâche pour ne pas trop gêner leurs mouvements. Quatre hommes portaient une civière qu’ils déposèrent auprès du lit ; tous ces individus avaient des masques sur le visage. Beaucoup d’autres, armés jusques aux dents, restèrent dans les autres pièces de la maison ; prêts, selon toutes probabilités, à obéir au premier signal que leur donnerait le sifflet du comte. Ceux qui avaient réussi à pénétrer, ou plutôt, à trouver place dans la chambre à coucher, allèrent se ranger silencieusement contre la tapisserie et demeurèrent immobiles.

Depuis les quelques mots qu’il avait échangés avec son ennemi, le prince de Montlaur était demeuré morne, affaissé, la tête cachée dans les mains, indifférent, en apparence, à ce qui se passait devant lui, et ne semblant même pas s’en apercevoir.