— Vous refusez ?
— Je ne suis pas maître de ma volonté ; je vous en supplie, laissez-moi donner un baiser à mon fils ?
— Vous n’avez pas de fils.
— Un seul baiser, puis vous ferez ce que vous voudrez ?
— Non ! dit-il brutalement.
Au bout d’un instant, il reprit :
— Regardez cette pendule ; la grande aiguille est sur le chiffre quatre ; lorsque la demie sonnera, une fois encore je vous demanderai si vous consentez à rendre à ma sœur, en l’épousant, l’honneur que vous lui avez lâchement ravi. Vous avez dix minutes pour prendre votre résolution, c’est plus qu’il ne vous en faut. Dieu veuille que vous écoutiez votre cœur et non votre orgueil !
Le comte tourna alors le dos au jeune homme ; il s’approcha du docteur Guénaud ; celui-ci, après avoir lavé l’enfant avec de l’eau tiède, l’enveloppait dans des langes préparés à l’avance, avec la délicatesse et le soin minutieux qu’y aurait mis une sage-femme.
— Merci, docteur, lui dit-il avec émotion ; vous avez été bon et dévoué comme toujours ; l’accouchement a été pénible, n’est-ce pas ?
— J’ai craint vingt fois que la pauvre femme ne pût supporter les douleurs et qu’elle mourût entre mes bras.
— C’eût été peut-être plus heureux pour elle ? murmura-t-il d’une voix sourde.
— Ne parlez pas ainsi de votre sœur, Ludovic, vous l’aimez !
— Oui, je l’aime ! plus que ma vie ! Pauvre Sancia !… cet homme est un lâche !
— Non, c’est une nature faible, athrophiée et orgueilleuse.
— Il refusera la réparation.
— C’est malheureusement probable ; il n’osera pas lutter contre sa famille.