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donné, contre les affres terribles d’un enfantement laborieux ; dans des circonstances aussi en dehors de toutes prévisions ; soutenu seulement par un dévouement sans bornes, et une énergie que rien ne pouvait abattre ; pas même la certitude que la frêle créature qui allait naître, était, à l’avance, vouée au malheur et à la honte.

Tout à coup, le médecin se redressa ; il tenait un enfant dans les bras ; son front s’éclaira et un éclair traversa son regard.

L’enfant jeta un cri.

Les deux hommes tressaillirent.

— Messieurs, dit le docteur d’une voix émue, c’est un garçon !

Le prince de Montlaur voulut s’élancer.

Une main de fer le cloua immobile à sa place, tandis que le comte lui disait avec un accent terrible :

— Vous n’êtes pas son père encore ?

— Ne puis-je donc l’embrasser ? demanda-t-il avec égarement.

Le premier cri de son enfant lui avait brisé le cœur, en lui révélant un sentiment qu’il ignorait, le sentiment le plus vrai, le plus doux de la nature : La Paternité.

— Peut-être l’embrasserez-vous, répondit froidement le comte, cela dépend de vous seul ?

— Que faut-il faire pour cela ?

Le comte le traîna, plutôt qu’il ne le conduisit devant le lit où gisait, pâle, muette et pâmée, la jeune femme.

— Ce qu’il faut faire ? reprit-il.

— Oui, murmura le prince avec anxiété.

— Il faut épouser sa mère ; dit lentement le comte, en le couvrant d’un regard brûlant.

Le jeune homme s’affaissa dans un fauteuil, cacha sa tête dans ses mains, et pleura.

— Vous ne me répondez pas ? reprit le comte toujours impassible.

— Hélas ! s’écria-t-il, en relevant son visage inondé de larmes, le puis-je ?