t’engages-tu à quitter dans les vingt-quatre heures la partie française de Saint-Domingue, et à ne jamais y remettre les pieds ?
— Je m’y engage, non-seulement pour moi, mais encore pour mon frère ; je compte qu’il est compris dans notre traité, n’est-ce pas ? au cas, bien entendu, où il serait pris par tes gens ?
— Soit, j’y consens ; tu vas être libre.
— Eh quoi ? dit en ricanant le Chat-Tigre, tu ne stipules rien pour toi-même ?
— Qu’ai-je à stipuler ? à présent que je t’ai démasqué, mon pauvre Gaston, tu n’es plus à redouter pour moi ; libre ou prisonnier, ta vie sera toujours entre mes mains ; puis il y a autre chose encore ; moi aussi, je suis possesseur d’un secret qui te touche ; d’un secret que seul je possède ; celui-là même qui me l’a révélé, en ignore toute la portée ; un secret enfin dont dépend ton bonheur, si le bonheur peut encore être fait pour toi. Suis ta voie, comme je suis la mienne, Gaston, mais écoute un conseil, le dernier ; je possède contre toi, des armes d’autant plus terribles, qu’elles sont toutes morales ; que d’un mot, je puis briser ce stoïcisme de convention dont tu fais parade, et te réduire au plus affreux désespoir ; ainsi crois-moi, fais bien attention à tout ce que tu feras ; surtout évite de te rencontrer de nouveau face à face avec moi, ou de t’attaquer à une seule des personnes auxquelles je m’intéresse. Tu es trop fin, pour ne pas comprendre que tout ce que je te laisse entrevoir est vrai, je n’insiste donc pas ; d’ailleurs j’ai ta parole.
Vent-en-Panne s’agenouilla alors auprès du blessé, le délivra de ses liens, et l’aida à se mettre sur son séant et à s’appuyer le dos contre un tronc d’arbre.
En ce moment, un bruit assez fort se fit entendre sous le couvert.
Vent-en-Panne se retourna, il aperçut Tributor et ses compagnons ; ils s’avançaient à grands pas, conduisant Chanteperdrix au milieu d’eux, et lui bourrant les reins