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— Reculer ? non, non ! en avant au contraire !… Sauvons nos amis !

— Nous pouvons y rester, nous sommes bien peu contre tant d’ennemis ?

— Les frères de la Côte ne comptent pas leurs ennemis, ils les tuent ! En avant ! nous n’avons que trop tardé déjà !

— C’est comme cela ? eh bien, en avant ! puisque tu le veux, matelot ! nous allons nous égayer, comme on dit en Bretagne, puis nous ferons feu tous ensemble et nous chargerons l’ennemi aux cris de flibuste ! flibuste ! chacun doit faire sa trouée ; est-ce compris ?

— Oui, répondirent-ils d’une seule voix.

— Eh bien, larguez les chiens ! à la grâce de Dieu et en avant !

Il fit un geste ; les engagés s’écartèrent aussitôt à droite et à gauche, et bientôt ils eurent disparu sous bois, emmenant les deux venteurs avec eux.

Ces venteurs étaient d’énormes molosses, d’une férocité extraordinaire ; descendant de ceux amenés dans le nouveau monde par les Espagnols, pour chasser les Indiens.

Par un juste retour des choses d’ici-bas, les boucaniers s’étaient emparés d’un grand nombre de ces chiens, dont ils se servaient pour la chasse aux taureaux sauvages et aux sangliers, et que, de plus, ils avaient dressés à attaquer les Espagnols ; les flibustiers avaient acquis ainsi de rudes auxiliaires, dans leurs continuelles escarmouches avec leurs ennemis dans les savanes, car ces chiens étaient excessivement redoutables.

Lorsque les engagés eurent disparu au milieu des fourrés, Vent-en-Panne se tourna vers son matelot.

— Y sommes-nous ?

— Oui !

— Viens !

Ils firent quelques pas en avant.

Alors à travers le feuillage, ils aperçurent à portée de pistolet au plus de l’endroit où ils se tenaient embusqués, une troupe d’Espagnols, forte de cent cinquante