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avez osé couvrir mon nom, auquel je tiens, plus que vous ne tenez au vôtre, car toujours, j’ai su le porter haut, devant tous ! Je prétends vous imprimer un stigmate indélébile qui, partout et toujours, vous fera reconnaître au premier regard pour ce que vous êtes réellement : un traître, un lâche et un larron d’honneur !

— Monsieur ! s’écria le jeune homme, pâle de colère, de telles insultes ne demeureront pas impunies !

— Non, certes, reprit-il en ricanant ; rapportez-vous en à moi pour cela ; je suis de race italienne ; on dit là-bas, par-delà les monts, que la vengeance se mange froide et à petites bouchées ; ainsi ferai-je, sur mon âme ! je vous en donne ma foi de gentilhomme, et je ne me parjure jamais, vous le savez ; songez-y donc, monsieur, avant que de répondre par un refus à la proposition que je vais vous faire ?

Ces paroles furent prononcées avec une telle véhémence ; les traits du comte avaient pris une telle expression de férocité que, malgré tout son courage, le jeune homme sentit son cœur se serrer douloureusement : une sueur froide inonda son front pâle ; il eut peur.

Cependant il se raidit contre cette émotion qui le maîtrisait et s’emparait de tout son être ; ce fut le visage serein et la voix calme qu’il répondit :

— Trêve de menaces, monsieur ! je ne suis pas un enfant ou une femme craintive que l’on effraie avec des mots. Expliquez-vous une fois pour toutes : Qu’exigez-vous de moi ?

En ce moment, le docteur Guénaud qui, depuis quelques instants était demeuré penché avec anxiété sur le lit où gisait, sans mouvement, la malheureuse jeune fille, se redressa brusquement, et, s’élançant entre les deux hommes :

— Silence, messieurs ! s’écria-t-il avec autorité, silence ! voici arrivée l’heure où cette infortunée va devenir mère ; cessez ces cris et ces débats ; laissez-moi toute ma liberté d’esprit, pour accomplir le pénible devoir