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pas de l’homme ne laissaient qu’une trace aussitôt effacée.

La plus grande partie de la journée s’était écoulée ; les deux flibustiers avaient fait une excellente chasse ; comme ils s’étaient un peu plus avancés, qu’ils n’en avaient eu d’abord l’intention, déjà ils se préparaient à retourner sur leurs pas et à regagner la ville, lorsque tout à coup, au moment où ils allaient se lever, car ils s’étaient assis, depuis une demi-heure, au pied d’un arbre, pour se reposer du violent exercice auquel depuis plusieurs heures ils s’étaient livrés ; lorsque tout-à-coup, disons-nous, ils entendirent plusieurs détonations mêlées à des cris d’angoisse, des appels au secours, des menaces et des malédictions proférées en Espagnol.

— Qu’est cela ? s’écria l’Olonnais en saisissant son fusil, et bondissant sur ses pieds.

— Quelques pauvres diables, que les gavachos ont surpris et qu’ils égorgent ; répondit philosophiquement Vent-en-Panne, en examinant l’amorce de son fusil.

— J’entends des cris de femme ! reprit l’Olonnais.

— Ces drôlesses se fourrent partout ! fit le flibustier de son air tranquille ; cordieu ! celle-là a une belle voix ; elle crie comme un aigle ! Bah ! que nous importe ? à quoi bon nous mêler de ce qui ne nous regarde pas ?

— Comment, ce qui ne nous regarde pas !

— Dame, nous ne connaissons pas ces gens-là, il me semble ?

— Qu’en sais-tu ? puisque nous ne les avons pas vus ? ce sont peut-être de nos amis ?

— Peuh ! cela n’est pas probable.

— Je t’assure, matelot que je suis certain d’avoir reconnu la voix qui appelle si désespérément au secours !

— Alors c’est autre chose ; tu es donc d’avis ?

— De leur porter secours sans perdre un instant.

— Comme tu voudras ; mais souviens-toi qu’on se repent toujours de s’être mêlé des affaires des autres.

— On ne se repent jamais d’avoir fait son devoir.