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Vent-en-Panne ordonna à Tributor, à Six-Deniers et à Mouffetard de prendre leurs armes pour les accompagner ; puis les deux flibustiers s’équipèrent, et dix minutes plus tard, suivis des trois engagés et de deux venteurs, il quittèrent la maison.

À l’époque où se passe notre histoire, le Port de Paix ne faisait que de naître à la vie sociale ; c’était plutôt un camp retranché, qu’une ville régulière ; les derniers contreforts des forêts vierges, venaient mourir à portée de fusil de ses remparts.

Aussitôt qu’on avait franchi les ponts-levis et mis le pied dans la campagne, on se trouvait en plein désert ; toute trace de civilisation disparaissait brusquement pour faire place à la barbarie ; la flore luxuriante de ces magnifiques climats se développait sans entraves, avec son exhubérance grandiose et échevelée ; quelques sentiers étroits, où quatre ou cinq personnes pouvaient à peine marcher de front, couraient sous bois, en formant les plus capricieux méandres, se croisant et s’enchevêtrant, à chaque détours, avec les sentes des animaux sauvages.

Ces chemins, les seuls existant alors, conduisaient, soit à de larges clairières, soit à quelques rares plantations ébauchées, plutôt que sérieusement établies, par certains habitants, qui se risquaient à tenter de faibles essais de culture ; soit aux boucans des chasseurs de taureaux sauvages et de sangliers ; soit enfin, aux autres points de la Côte occupés par les flibustiers, tels que Léogane, Port-Margot, etc, mais ces chemins était peu fréquentés, les flibustiers, préférant de beaucoup la voie de mer.

De plus, il n’était pas prudent de se risquer seul dans ces chemins enfouis au fond des bois ; les Espagnols les parcouraient sans cesse, dans tous les sens, guettant les malheureux qui se hasardaient sans précaution sous le couvert. Parfois même, ils venaient enlever les habitants paisibles jusques sous les canons de la ville ; puis ils fuyaient avec leur proie ; il était presque impossible de rejoindre les ravisseurs dans ce dédale inextricable, où les