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— Personne ne l’a jamais su ; il alla non pas mouiller, mais se ranger audacieusement bord à quai ; puis il fit des signaux, auxquels on répondit d’une maison de la ville.

— Eh bien, cette maison ?

— Attends ; cette maison passait pour être hantée, personne n’aurait osé l’habiter. Elle était déserte ; d’ailleurs vers quatre heures du matin, le lougre inconnu largua son amarre, remit sous voiles, et au même instant cette maison s’alluma comme un phare. Au matin, ce n’était plus qu’une ruine fumante ; un monceau de cendres chaudes encore, mais que l’on fouilla vainement ; toutes les traces de ce qui s’était accompli pendant la nuit avaient été consumées.

— Et le navire ?

— Il était parti, comme il était venu ; personne ne le connaissait, personne ne le revit jamais ; il avait disparu sans laisser de traces.

Le jeune homme pencha tristement la tête sur la poitrine, et s’abîma dans ses pensées.

Il y eut un long silence entre les deux hommes.

Vent-en-Panne bourra mélancoliquement la pipe neuve, destinée à remplacer celle cassée quelques heures auparavant, et l’alluma.

Enfin l’Olonnais releva la tête.

— C’est tout ? demanda-t-il.

— Tout ! répondit le flibustier entre deux bouffées de fumée et en hochant la tête.

— Et jamais tu n’as cherché à savoir ?

— Jamais ! à quoi bon me mêler d’une affaire qui ne me regardait pas ? n’avais-je pas assez des miennes ?

— C’est juste.

Il y eut un nouveau silence.

— Matelot… reprit l’Olonnais au bout d’un instant.

— Que me veux-tu ?

— T’adresser une question.

— Parle.