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— Eh bien, fit Vent-en-Panne avec bonhomie, tu souffres, tu es mon matelot, c’est-à-dire, plus que mon frère ; par ton âge tu pourrais être mon fils ; sur toute la Côte, tu n’as que moi d’ami ; je ne veux pas te voir malheureux, sans prendre la moitié de tes peines.

— Pardonne-moi, matelot, dit le jeune homme en lui tendant la main.

— Oui, mais à une condition.

— Laquelle ?

— Confesse-toi à moi ; dis-moi tout ; oh ! ne crains rien ; tu trouveras en moi un confesseur peu sévère pour les peccadilles que tu as sur la conscience, et tout prêt à t’absoudre.

— Oh ! s’écria le jeune homme en cachant sa tête dans ses mains et fondant en larmes ; si tu savais comme je souffre ! vois, je pleure.

— Oui ; dit le flibustier avec émotion, tu dois bien souffrir en effet, pour pleurer ainsi ; les larmes retombent sur le cœur et le brûlent ; il est vrai, ajouta-t-il avec une expression étrange, qu’elles le dessèchent, et qu’au bout de quelque temps le cœur n’est plus qu’un viscère insensible.

— Que veux-tu dire ?

— Rien ; fit-il en hochant la tête ; oublie cela ; parfois je ne sais ce que je dis ; revenons à toi ?

— Comme il te plaira, matelot ; que veux-tu savoir ?

— Tout ; d’abord ton histoire ; je ne te connais pas, moi ; fit-il avec un sourire.

— Hélas ! matelot, je ne me connais pas moi-même ; je suis un enfant trouvé, ou plutôt perdu ; je n’ai pas d’autre histoire.

— Bah ! tu te figures cela ! peu ou prou, tout le monde a une histoire.

— Soit ; je te dirai ce que je sais ; ce n’est pas grand’chose.

— Bon ! va toujours ; je le verrai bien.

— Écoute donc, puisque tu le veux.