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— Ludovic de Manfredi-Labaume ! s’écria le prince avec stupeur, Ah ! vous m’avez trahi, docteur !

— Personne ne vous a trahi, monsieur le prince de Montlaur, dit sévèrement l’homme qui était apparu d’une façon si étrange. Sancia m’a écrit, à moi ; ne suis-je pas son frère, le chef de la famille, responsable de son honneur ?

Il laissa alors retomber le pan de la tapisserie devant l’entrée secrète qui lui avait livré passage, traversa la chambre d’un pas de statue, et poussa les verrous de la porte.

— Je prends mes précautions pour que nous ne soyons pas interrompus pendant notre explication, dit-il froidement aux deux hommes, qui le regardaient faire avec une surprise mêlée d’épouvante.

— Je suis à vos ordres, monsieur le comte, dit le prince en se levant.

Les deux ennemis se toisèrent un instant, sans prononcer une parole ; mais les regards fauves qu’ils échangeaient montraient clairement la haine implacable qui dévorait leur cœur.

Henri-Charles-Louis-Gaston de la Ferté, comte de Chalus et prince-duc de Montlaur, appartenait à une des plus nobles et des plus anciennes familles du Poitou : celle des princes de Talmont, dont, en sa qualité de premier-né, il était l’héritier direct ; famille alliée à tout ce que la France possédait alors de plus grand et de plus justement renommé en fait de noblesse ; jouissant d’une fortune incalculable et d’une influence immense dans les provinces de Poitou et d’Anjou, où elle avait toujours joué un rôle important.

Le prince de Montlaur était un élégant gentilhomme, de vingt-quatre à vingt-cinq ans, aux traits mâles, au teint blanc et pur comme celui d’une femme ; ses yeux noirs, bien ouverts, dont les longs cils faisaient ombre sur ses joues, avaient le regard doux et caressant, mais qui prenait un éclat terrible sous l’impression de la colère ; sa chevelure brune, naturellement bouclée,