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vous emparer de l’île de la Tortue pour le compte de l’Espagne ?

— Hein ? quoi ? que dites-vous ? s’écrièrent les deux hommes avec effarement.

— Voulez-vous que je répète ma question ?

— C’est inutile, dit Chanteperdrix ; mais nous ne comprenons pas…

— Messieurs, dit Bothwell en fronçant le sourcil, prenez-y garde, le jeu que vous jouez avec moi, peut devenir mauvais ; vous vous obstinez à me montrer une méfiance blessante ; je crois, cependant, vous avoir prouvé que j’en sais assez sur votre compte, pour vous perdre si telle était mon intention.

— Au diable la méfiance ! s’écria le Chat-Tigre, franchise pour franchise, capitaine ! ce que nous voulons d’abord, c’est notre vengeance, nous laisserons quant à présent dormir notre second projet.

— Non pas ! s’écria vivement Bothwell, vous y renoncerez complétement ; sinon, rien de fait.

— Comment ? que vous importe que nous enlevions l’île de la Tortue aux flibustiers ?

— Il m’importe beaucoup ; d’abord je suis moi-même un flibustier ; pour rien au monde je ne consentirai à laisser trahir mes frères, au profit de ces Gavachos maudits que je méprise encore plus que je les déteste ; ainsi je vous en avertis : ceci est très-sérieux, mes maîtres ; autant je vous aiderai contre Vent-en-Panne, autant vous me trouverez hostile, si vous essayez de nuire aux frères de la Côte dont je m’honore d’être l’un des chefs. Après tout, que vous importe ? votre fortune n’est pas aux mains des Espagnols ; ce charmant navire que vous avez réussi à vous faire donner par eux, est entre vos mains, vous avez joué au plus fin avec eux ; c’est de bonne guerre, vous ne leur devez plus rien. Croyez-moi, soyez franchement flibustiers, puisque quant à présent vous ne pouvez pas être autre chose ; il est bon d’avoir des amis vaillants et résolus ; que deviendrez-vous si la Côte vous manque ? Que diable ! toutes ces