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peut-être, car l’assaut avait été rude, mais toujours froid et digne.

— Vous ici ? vous ! oh ! mon Dieu ! s’écria-t-il en se laissant tomber avec abattement sur son siége ; que venez-vous faire dans cet antre ?

— Vous empêcher de commettre un crime.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! répétait-il, sans même savoir ce qu’il disait, je suis perdu !

— Non, vous êtes sauvé, au contraire. Suis-je donc votre ennemi, moi qui vous ai vu naître, qui vous ai reçu dans mes bras ; quand votre mère vous mit au monde ?

— Que faire ?… reprit-il, en arrachant violemment son masque et recommençant à marcher avec égarement à travers la chambre.

— M’écouter, et surtout, vous calmer, mon enfant ; répondit le médecin avec une indicible expression de bonté.

— Que pourrez-vous me dire, docteur ? Vos consolations, si affectueuses qu’elles soient, car je sais que vous m’aimez, cent fois vous me l’avez prouvé ; vos consolations n’atteindront pas le but que sans doute vous vous proposez ; mon crédit à la cour est à tout jamais perdu maintenant ; je suis déshonoré ; je me suis laissé entraîner au fond d’un gouffre dont je ne puis sortir que par la mort.

— Vous divaguez, Gaston ; votre crédit est aussi fort que jamais ; la reine et le cardinal ignorent tout ; quant à votre honneur, il est sauf, puisque ce crime qu’on vous poussait à commettre, maintenant…

— Oh ! je vous le jure ! s’écria-t-il avec exaltation ; pauvre chère ange ! je la défendrai contre tous, même…

— Contre votre frère ; c’est bien, Gaston ; je retiens votre parole et j’y compte.

— Mais dites-vous vrai ?… mon crédit à la cour…

— Ai-je jamais menti ?

— Pardonnez-moi, mon vieil ami, je suis fou.

— Maintenant, voulez-vous m’écouter ?