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il nageait vigoureusement vers le navire, dont il n’était plus qu’à quelques brasses.

Un cri de joie s’exhala de toutes les poitrines oppressées, et se changea bientôt en une immense clameur joyeuse, quand on aperçut le brave Danican, après avoir échangé quelques rapides paroles avec les naufragés, retournant vers la plage, portant la corbeille solidement amarrée sur sa tête, et recouverte d’une toile goudronnée, pour garantir l’enfant du contact de la mer.

Le sauveteur avait accompli la première partie de sa tâche avec une hardiesse incomparable et un bonheur incompréhensible ; mais il lui fallait maintenant revenir, le péril était immense, la mort presque certaine.

Danican était homme de tête et surtout d’imagination ; il dénoua la ligne serrée autour de ses flancs, l’attacha solidement après le navire ; dès qu’elle fut tendue à son gré, il bondit au-dessus de la lame, empoigna fortement la ligne des deux mains et presque debout, se pomoyant main sur main, selon l’expression maritime, il s’avança majestueusement vers la plage ; parfois les lames passaient en rugissant au-dessus de lui et le recouvraient tout entier ; mais il ne lâchait pas prise malgré les horribles secousses qu’il recevait ; l’eau lui brûlait les yeux, l’aveuglait, fouettait à coups redoublés son torse nu, il n’en tenait pas compte ; ce fut ainsi qu’il atteignit enfin le rivage, où les spectateurs émerveillés de tant d’audace et de sang-froid, le recueillirent à demi-évanoui dans leurs bras.

L’enfant était sauvé !

Les deux personnes demeurées sur le navire avaient suivi d’un regard anxieux le retour du nageur vers la plage ; lorsqu’ils le virent aborder, ils poussèrent un cri de joie et tombèrent dans les bras l’un de l’autre ; au même instant elles se redressèrent avec épouvante, le navire venait de toucher les brisants ; un bruit terrible suivit ce choc effroyable et l’eau commença à inonder la cale, avec de sourds et sinistres mugissements.

Les deux jeunes gens parurent échanger quelques