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ironiquement bonhomme ; cessez de tourmenter votre poignard dont vous ne vous servirez pas contre moi ; reprenez votre place sur ce fauteuil, et expliquons-nous ; croyez-moi, cela avancera plus vos affaires que le sanguinaire projet qu’en ce moment vous roulez dans votre tête.

— Assez d’insultes comme cela, monsieur ! je n’ai qu’un mot à dire, qu’un geste à faire…

— Je le sais ; mais ce mot, vous ne le direz pas ; ce geste, vous n’oserez point le faire.

— Vive Dieu ! c’est ce que nous allons voir !

Il se détourna et s’élança vers la porte.

— Vous préférez que, devant vos complices, j’enlève mon masque ? à votre aise, monsieur.

— Que m’importe que vous enleviez votre masque devant mes gens ? Avez-vous la prétention de m’effrayer par cette sotte menace ?

— Non, certes ; mais peut-être regretterez-vous bientôt d’avoir mis vos gens, ainsi que vous les nommez, dans le secret d’une affaire que, par considération pour deux nobles races, par amitié pour votre père, j’aurais voulu terminer sans éclat et avec vous seul.

— Mon père ! vous me parlez de mon père, vous, monsieur !

— Pourquoi ne vous en parlerais-je pas, puisque je suis un de ses plus anciens et de ses plus fidèles amis ? répondit le médecin avec une nuance de tristesse.

— Monsieur, dit le marin, d’une voix que la colère faisait trembler, je vous somme de me montrer votre visage, afin que je sache qui vous êtes. Oh ! vous ne vous jouerez pas plus longtemps de moi !

— Ce n’est pas mon intention, et la preuve, la voici ! ajouta-t-il, en ôtant vivement son masque. Maintenant regardez-moi, monsieur le prince de Montlaur !

— Le docteur Guénaud, le médecin de la reine mère et de monsieur le cardinal ! s’écria avec épouvante celui auquel on venait de donner le titre de prince.

— Oui, monsieur, reprit le médecin, un peu pâle