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Louis XIV traversa le salon dans toute sa longueur en distribuant des sourires à droite et à gauche, se dirigea vers l’essaim de jolies femmes qui entouraient Madame et semblaient faire cortège à sa beauté ; baisa galamment la main mignonne de sa belle-sœur avec laquelle il échangea quelques gracieux compliments, et s’adressant à madame de la Torre assise auprès de la duchesse :

— Eh quoi ! madame, lui dit-il en s’inclinant avec un charmant sourire, nous allons avoir le chagrin de vous perdre ?

— Moi ! sire, répondit madame de la Torre toute confuse.

— Hélas, oui ! reprit le roi toujours souriant. Ne vous proposez-vous pas en femme soumise d’accompagner votre mari ?

— Accompagner mon mari, sire ! fit-elle de plus en plus décontenancée.

— Certes. Après cela, c’est si loin l’Amérique.

— Sire, je supplie votre Majesté de me pardonner, mais je ne comprends pas.

— Comment, vous ne comprenez pas, duchesse ? Est-ce que nous jouerions aux propos interrompus. Ce serait charmant. Ainsi le duc ne vous a rien dit ?

— Mais non, sire.

Le duc de la Torre s’était rapproché du roi ; il avait tout entendu ; pas plus que sa femme il ne comprenait.

— Voyez-vous cela ? fit le roi. Et s’adressant à M. de la Torre :

— Comment, duc ? vous n’avez pas appris à madame que mon frère, le roi d’Espagne et des Indes, vous avait nommé vice-roi du Pérou ?

— Moi, sire ! vice-roi du Pérou ! s’écria le duc au comble de la joie et de la surprise.

— Vous l’ignoriez donc ?

— Sur l’honneur, sire !

— Alors je comprends…