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— Avouez que vous le saviez à l’avance ? dit l’Olonnais.

— Corbleu ! serais-je venu vous rejoindre sans cela, fit Vent-en-Panne en riant.

— Vous vous êtes conduit avec moi comme un père.

— Eh ! eh ! qui sait ? je pourrais peut-être l’être ! Quel âge as-tu, mon gars ?

— Je l’ignore ! Ne vous ai-je pas dit que j’étais un misérable enfant trouvé, ramassé par pitié sur la grève des Sables d’Olonne ; répondit le jeune homme avec amertume.

— Pourquoi cet accent singulier, garçon ! Cordieu ! je ne vois pourtant là, rien qui te doive chagriner. Tu es enfant trouvé, soit ; partant tu n’as pas de famille ; l’un compense l’autre ; fit Vent-en-Panne de cet air moitié figue moitié raisin qui leur était particulier ; d’ailleurs ne t’inquiète pas, on est toujours le fils de quelqu’un. Peut-être un jour retrouveras-tu toute ta famille et seras-tu malheureux de l’avoir retrouvée.

— Oh ! pouvez-vous dire cela ?

— Pourquoi non, si cela est vrai ? Pour que l’on t’ait abandonné, il a fallu que ta naissance gênât ton père ou ta mère, soit même tous les deux ; alors mieux vaut pour toi ne pas les connaître. Les Espagnols, qui parfois ont du bon, je dois en convenir quoi qu’il m’en coûte, disent que tout enfant sans famille reconnue est de droit gentilhomme et ils ont raison. C’est métier de gentilhomme que semer des bâtards ; les pauvres gens ont autre chose à faire. Toutes les grandes dames sont des coquines ; voilà mon avis ; quant aux autres, elles ne valent pas mieux.

— Mais à ce compte il n’y aurait pas de femmes honnêtes ? dit l’Olonnais en riant malgré lui de cette singulière profession de foi.

— Peuh ! fit Vent-en-Panne en lâchant une énorme bouffée de fumée, il doit y en avoir, on me l’a dit ; mais quant à moi je n’en ai jamais vu une seule, ou que le ciel m’extermine !