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L’ex-matelot se précipita dans les bras du boucanier, en fondant en larmes selon son habitude quand il éprouvait une grande joie.

En somme le jeune Pitrians avait versé une si incalculable quantité de larmes ce jour-là que les boucaniers, séance tenante, le surnommèrent le Crocodile, nom qui lui resta, et sous lequel il fut connu à partir de ce moment.

Le nouveau frère de la Côte subit en pleurant de joie ce nouveau baptême, dont il prit d’autant plus gaîment son parti, qu’il lui était impossible de faire autrement.


VII

CE QUE LES FRÈRES DE LA CÔTE NOMMAIENT L’AMATELOTAGE ; EN QUOI IL CONSISTAIT

Lorsque les nouveaux frères de la Côte sortirent du gouvernement ou plutôt de la maison de M. d’Ogeron en compagnie de Vent-en-Panne et du rébarbatif frère du jeune Pitrians, auquel, pour éviter la confusion, nous ne donnerons plus que son nom de guerre, ils étaient méconnaissables même pour leurs amis ; ils semblaient transfigurés.

Ils étaient libres, comme jamais jusqu’à ce jour, ils ne l’avaient été et de plus membres d’une association redoutable, dont les bases fraternelles leur assuraient autant d’amis, de soutiens et au besoin de défenseurs, qu’elle comptait d’affiliés. Eux, pauvres matelots sans feu ni lieu la veille, ils marchaient de pair et étaient les égaux des hommes, non-seulement les plus riches mais encore les plus nobles ; nul maintenant n’aurait