un grand acte de justice ; nous les en remercions. Ils ont fait leur devoir ; à nous de faire le nôtre. Les lois de notre association disent : que tout engagé qui a accompli fidèlement son temps d’épreuve doit faire partie de notre société. Ce temps peut-être abrégé, réduit même à quelques heures seulement, si l’engagé a rendu d’éminents services ou fait une action d’éclat. Est-ce vrai ?
— C’est vrai, répondirent d’une seule voix les frères de la Côte.
— Ces deux hommes, reprit Montbarts, se sont engagés à Dieppe. Depuis près de trois mois ils sont donc esclaves. S’ils avaient été vendus demain, ils n’auraient fait que changer de maîtres ; depuis un quart-d’heure ils sont libres ; ont-ils accompli leur temps d’épreuve ?
— Oui, reprirent les flibustiers.
— Vous connaissez leur conduite ; les trouvez-vous dignes de faire partie de notre association ?
— Oui ! oui ! s’écrièrent-ils avec enthousiasme.
— C’est bien votre opinion ?
— Oui, répondit Ourson Tête-de-Fer, ces hommes sont dignes d’être nos frères.
— C’est bien, continua Montbarts ; l’Olonnais, Pitrians vous êtes frères de la Côte. En conséquence, vous jouissez de tous les droits attachés à ce titre. Les frères ici présents vous remettront aujourd’hui même par mes mains, à chacun, un fusil de Gelin, trois livres de poudre, six de plomb, un habillement complet, deux paires de chaussures et trois venteurs. Frères, embrassez-nous !
Les deux jeunes gens à demi-fous de joie tombèrent dans les bras de Montbarts et furent ensuite embrassés par les autres boucaniers.
— Eh ! petiot ! s’écria un boucanier, d’une taille gigantesque et à la mine rébarbative, qui depuis un instant regardait Pitrians d’un air attendri qui le faisait ressembler à un tigre qui pleure, eh ! petiot ! est-ce que tu ne me reconnais pas ? Je suis ton frère !