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ajouta le directeur en tendant les deux papiers aux jeunes gens.

L’Olonnais les repoussa doucement.

— Eh ! quoi ? vous refusez ! s’écria le directeur surpris.

— À notre grand regret, monsieur, et tout en vous adressant, du fond du cœur, nos remercîments les plus sincères pour un si grand honneur ; mais il le faut ; nous devons refuser, quoi qu’il nous en coûte, car vous pouvez nous taxer d’ingratitude, quand au contraire les mots nous manquent pour vous exprimer notre reconnaissance pour tant de bontés.

— Sans doute vous ignorez quel sort vous attend ici ?

— Nullement, monsieur ; nous savons tout.

— Que vous serez vendus demain à l’encan, comme esclaves ?

— Oui, monsieur.

— Et vous persistez malgré cela ?

— Nous persistons, monsieur.

— Ces jeunes gens sont fous !

— Non, monsieur, nous avons toute notre raison. Quand nous avons résolu de venir à la côte, nous connaissions parfaitement les conséquences du parti que nous prenions ; les conditions qui nous étaient imposées ; nous les avions toutes acceptées d’avance parce que nous avions un but. Ce but n’a pas changé.

— Quel est-il ? Le pouvez-vous révéler ?

— Certes, monsieur ; il n’a rien que de noble et d’honorable ; nous voulons, après avoir accompli notre temps d’apprentissage, devenir, nous aussi, des Frères de la Côte, et marcher de loin sur les traces des hommes réunis ici, et qui tous, ont commencé comme nous allons commencer demain.

Ces paroles furent accueillies avec une satisfaction générale par les célèbres flibustiers qui se trouvaient là ; et tous se connaissaient en hommes.

Ils pressentirent à l’instant ce que, plus tard, deviendraient les deux jeunes gens.